Le think-tank Taiwan Asia Exchange Foundation (TAEF), dont l’un des objectifs est de promouvoir les liens entre Taïwan et l’Asie du Sud-Est, vient de publier une analyse comparative des politiques de recrutement des travailleurs migrants par Taïwan, le Japon et la Corée du Sud, ainsi que des conditions de travail dans ces trois pays. Selon ce rapport, un problème important qui apparaît à Taïwan est les frais que les travailleurs migrants doivent payer à leur agence de recrutement, ce qui génère quasiment une “servitude pour dette” et par conséquent, un risque d’abus et de travail forcé.
La Corée du Sud, quant à elle, a mis en place un système d’embauche sans intermédiaire depuis 2004 et les frais de recrutement facturés aux travailleurs migrants ont ainsi drastiquement baissé, bien qu’ils n’aient pas pu être entièrement éliminés. La co-auteure du rapport, Bonny Ling (凌怡華), de Work Better Innovations (WBI), a ainsi indiqué que si Taïwan pouvait s’inspirer sur ce point de la Corée du Sud, ce n’était pas la panacée. Selon elle, le recrutement direct n'est pas une solution magique, ni universelle. En revanche, ce rapport a montré que s'il existe un très bon système de recrutement direct, les frais de recrutement seront alors beaucoup plus bas.
Bonny Ling a précisé que les agences de recrutement fournissent des services et devraient logiquement être rémunérées. La question à se poser est pourquoi, à Taïwan, les travailleurs migrants contribuent-ils de manière disproportionnée à leur rémunération par rapport aux employeurs ? Ces derniers paient annuellement en moyenne 2000 NTD (55 euros) à ces agences, alors que celles-ci facturent aux travailleurs migrants 18 000 à 21 600 NTD (490 à 590 euros) par an. Chiu Yu-fan (邱羽凡) professeure de l’Université Yangming Chiaotung a quant à elle précisé que, selon la loi, les travailleurs migrants ne sont obligés de payer ces frais que si les agences apportent effectivement un service, mais que dans les faits, ils se trouvent en position de faiblesse pour négocier, et se voient souvent obligés de payer même si aucun service n’est rendu. Elle a ainsi souligné le rôle que le gouvernement devrait jouer pour mieux protéger leurs droits.
Chiu Yu-fan a également rappelé que de plus en plus de pays avaient adopté des lois exigeant que les entreprises respectent les droits humains et les normes environnementales. Les entreprises taïwanaises présentant un risque de travail forcé peuvent ainsi perdre des commandes à l’exportation. Selon elle, la mise en place de garanties pour un travail digne des migrants à Taïwan doit être mise en place dans leur intérêt et celui des entreprises taïwanaises afin qu’elles demeurent compétitives à l’international.